SOCIETE – Comment prévenir les situations de blocage liées au décès d’un associé ?

Au décès d’un associé, les prérogatives attachées à ses parts sociales peuvent être temporairement gelées si le conjoint survivant n’a pas encore exercé ses droits successoraux, ou si la transmission par décès est encadrée par une clause d’agrément et qu’une procédure est en cours. Dans le premier cas, les héritiers ne disposent pas de droits sur les parts. Dans le second, ils ne disposent pas de la qualité d’associé. Dès lors, personne ne peut exercer le droit de vote attaché aux parts sociales du défunt ni appréhender les dividendes.

Comment anticiper ces situations de blocage ?

 

Le « gel » des prérogatives liées à la détention de titres d’une société revêt différents aspects. Les situations de blocages peuvent être anticipées par une bonne rédaction des statuts. En effet, il est possible d’encadrer statutairement les modalités de convocation et de vote aux assemblées générales et la répartition des dividendes.

 

La convocation aux assemblées générales et l’exercice du droit de vote

Selon le Code Civil, seuls les associés sont convoqués aux assemblées générales.
Tant que les héritiers détenteurs des parts sociales ne sont pas agréés, ils ne peuvent ni voter aux AG ni même y être convoqués.

 

L’héritier d’un associé décédé ne devient associé qu’au jour de son agrément ou de l’expiration de la procédure d’agrément, sans rétroactivité. Il ne peut dès lors contester les décisions qui ont été prises entre le décès et l’obtention de sa qualité d’associé.

 

Ainsi, le droit de vote attaché aux titres sociaux est gelé et peut amener à des situations de blocage temporaire en matière de respect des règles de quorum et / ou de majorité.

Afin d’éviter cette situation, les statuts peuvent prévoir la neutralisation des héritiers dans les règles de quorum et de majorité, en prévoyant par exemple que seules les parts sociales conférant un droit de vote soient prises en compte pour apprécier les règles de majorité et / ou de quorum.

Attention :

La désignation d’un mandataire à effet posthume est sans effet pour pallier ces situations de blocage. Comme le mandataire d’une indivision successorale, le mandataire à effet posthume ne peut exercer plus de droits que le mandant n’en dispose. Si les héritiers ne sont pas agréés, le mandataire ne dispose d’aucune prérogative. Par ailleurs, le mandataire ne dispose d’aucune prérogative prévue par le mandat tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession.

 

La perception des dividendes :

Les dividendes ne sont acquis qu’au jour de la décision de distribution et qu’aux titulaires de parts ayant la qualité d’associé au jour de la distribution.

 

Ainsi, en présence d’une distribution de dividendes votée après le décès de l’associé, les dividendes ne font pas partie de l’actif successoral. Ils n’appartiennent pas non plus aux héritiers du défunt qui ne sont pas agréés au jour de la décision de distribution.

 

Aussi, et même en l’absence de clause d’agrément, le légataire n’est mis en possession des titres et n’a droit aux dividendes que si la délivrance du legs est intervenue avant la décision de distribution.

Néanmoins, la répartition des dividendes distribués pendant que le règlement de la succession d’un associé ou la procédure d’agrément est en cours n’est pas fixée par la loi. Pour anticiper cette situation, il convient de préciser dans les statuts l’affectation de la part des dividendes correspondant à la part des héritiers non agréés. Il peut par exemple être prévu que les dividendes soient versés aux autres associés au prorata de leurs droits, ou qu’aucune décision de distribution ne puisse être prise :

  • Dans un délai de x mois à compter du décès d’un associé
  • Ou tant qu’une procédure d’agrément est en cours
  • Ou tant que des parts ne permettent pas à leur détenteur la perception de dividendes et dans la limite de x mois

 

Les conséquences fiscales en cas d’agrément postérieur à la décision de distribution :

Si la société de laquelle était associé le défunt est une société à l’IS, la distribution de dividendes est sans effet sur la fiscalité due par ses héritiers. En présence d’une société à l’IS, le fait générateur de l’imposition est l’encaissement effectif (ou l’inscription en compte) des dividendes.

Si la société de laquelle était associé le défunt est une société à l’IR, deux situations sont à distinguer :

  • Les héritiers sont agréés après la date de clôture de l’exercice social : ils ne subissent aucune imposition sur les bénéfices réalisés entre le décès et la clôture de l’exercice social
  • Les héritiers sont agréés avant la date de clôture de l’exercice social :
    • Ils sont alors imposés sur les plus-values de cession de titres ou d’actifs immobiliers si la cession est intervenue postérieurement à leur agrément
    • Ils sont imposés sur les revenus de capitaux mobiliers réalisés par la société si leur encaissement est intervenu postérieurement à leur agrément
    • Ils sont imposés sur les autres revenus de la société, quand bien même ils n’en auraient pas appréhendé

Remarque :

Lorsqu’un héritier est agréé postérieurement à une distribution de dividendes et antérieurement à la clôture de l’exercice social, il est tenu de payer la fiscalité afférente quand bien même il n’aurait rien appréhendé. En revanche, lors de la cession postérieure de ses parts sociales, il pourra se prévaloir de la jurisprudence Quemener afin d’éviter que ces sommes ne soient imposées 2 fois.

 

La transmission du compte courant d’associé

Le compte courant d’associé est en principe une créance exigible à tout moment. Néanmoins, les statuts ou une convention signée séparément peuvent en encadrer les modalités de remboursement en prévoyant par exemple une période de blocage.

Trois situations peuvent dès lors être distinguées :

  • Aucun encadrement du remboursement du compte courant n’est prévu : les héritiers (agréés ou non) pourront demander à tout moment le remboursement du compte courant d’associé à la société (sauf retrait abusif)
  • Les modalités de remboursement du compte courant d’associé sont inscrites dans les statuts : tant que l’héritier n’a pas la qualité d’associé, les statuts ne lui sont pas opposables et il peut demander le remboursement du compte courant d’associé à tout moment en qualité de créancier. En revanche, si l’héritier est associé (agrément automatique ou agréé par décision collective), les statuts lui sont opposables et il doit respecter les modalités de remboursement prévues
  • Les modalités de remboursement du compte courant d’associé sont prévues dans une convention : les modalités de remboursement sont a priori toujours opposables aux héritiers en leur qualité de créancier, qu’ils soient associés ou non