- 17 novembre 2020
Depuis le 1er janvier 2018, les contribuables français sont imposés par défaut à un taux forfaitaire de 12,8% au titres des revenus de capitaux mobiliers (intérêts, coupons, dividendes voire rachat sur assurance vie) et également des plus-values sur titres. Cette taxation forfaitaire a pour assiette le revenu ou la plus-value brute sans tenir compte d’abattements. Ces derniers sont applicables uniquement en cas d’imposition avec le barème progressif de l’IR.
Dans le cadre d’une réponse ministérielle publiée fin février 2020, Bercy a fait le constat que l’option pour le barème progressif n’a quasiment pas été utilisée, alors que plus de 98% des foyers fiscaux sont imposés à une tranche marginale d’imposition inférieure à 41%. Or une grande partie de ces foyers fiscaux aurait très probablement eu intérêt à cocher la case 2OP dans la déclaration de revenus et ainsi opter pour un assujettissement au barème progressif…
Par cette réponse, Bercy nous a ouvert la porte d’une session de rattrapage.
I. Retour sur la problématique : PFU vs Imposition au barème de l’IR
La taxation forfaitaire a été annoncée et perçue comme un régime d’imposition favorable à toutes et tous. Ce n’est en fait pas toujours le cas…
En effet, l’imposition au barème progressif (par voie d’option globale irrévocable) peut s’avérer plus intéressante en raison des abattements applicables.
A. Le projet de barème 2020 et ses tranches d’imposition
Nous avons abordé les impacts du barème dans un précédent article. Nous allons ici analyser les effets d’un changement de tranche selon la composition du foyer fiscal. Nous vous proposons une illustration en retenant les situations
- D’une personne seule ;
- D’un couple sans enfant à charge ;
- D’un couple avec un enfant à charge ;
- D’un couple avec deux enfants à charge.
B. Les dividendes
1. Principe
Les dividendes, dès lors qu’ils sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sont minorés d’un abattement non plafonné de 40%.
A cela, il faut prendre en considération :
- Les effets de la CSG déductible en raison des éventuels prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (6,80% des 17,2%).
- Mais également les effets des cotisations sociales qui sont assises sur le dividende net d’abattement en application des dispositions de l’article L131-6 du code de la sécurité sociale.
2. Comparaison
Si l’on confronte les dividendes aux deux régimes d’imposition (taxation forfaitaire à 12,8% ou imposition au barème) et en supposant que les prélèvements sociaux sont dus au taux de 17,2%, nous arrivons à la synthèse suivante :
TmI | 0% | 11% | 30% | 41% | 45% |
Si PFU | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% |
Si Barème | 0,0% | 5,9%(1) | 16,0%(2) | 21,8%(3) | 23,9%(4) |
(1) 11% x 60% – 6,80% x 11% = 5,852%
(2) 30% x 60% – 6,80% x 30% = 15,960%
(3) 41% x 60% – 6,80% x 41% = 21,812%
(4) 45% x 60% – 6,80% x 45% = 23,940%
Il est donc préférable d’assujettir le dividende au barème progressif de l’impôt sur le revenu dès lors que le foyer fiscal est imposé dans la tranche marginale de 0% et 11%.
Même en cas de taxation partielle du dividende à 30%, le barème peut être plus intéressant. En effet, si 34% du dividende est imposé à 11% et le reste (66%) à 30%, le taux d’imposition global est de 12,8% (34% x 60% x 11% + 66% x 60% x 30% – 6,80% x 30% = 12,776%).
C. Les plus-values sur titres
1. Principe
Les plus-values sur titres peuvent bénéficier d’un abattement de droit commun de 50% à 65% après 2 et 8 années de détention.
Un abattement renforcé au titre du régime dit « des jeunes entreprises » permet également de bénéficier d’une minoration de 50% après 1 an, 65% après 4 ans voire 85% après 8 ans.
Enfin, il existe un abattement fixe de 500 000 € en cas de départ à la retraite, cet abattement est applicable quel que soit le mode d’imposition (forfaitaire ou barème progressif). Nous n’aborderons pas ici les conséquences attachées à cet abattement fixe.
Comme pour les dividendes, en cas d’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, il faut tenir compte des effets de la CSG déductible dont le montant est plafonné en cas d’application de l’abattement renforcé (CGI, art 154 quinquies II a.).
2. Comparaison en cas d’abattement de droit commun de 50%
Ici encore, nous vous proposons une comparaison entre les deux régimes d’imposition (taxation forfaitaire à 12,8% ou imposition au barème) :
TmI | 0% | 11% | 30% | 41% | 45% |
Si PFU | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% |
Si Barème | 0,0% | 4,8%(1) | 13,0%(2) | 17,7%(3) | 19,4%(4) |
(1) 11% x 50% – 6,80% x 11% = 4,752%
(2) 30% x 50% – 6,80% x 30% = 12,960%
(3) 41% x 50% – 6,80% x 41% = 17,112%
(4) 45% x 50% – 6,80% x 45% = 19,440%
3. Comparaison en cas d’abattement de droit commun de 65%
Nous vous proposons à nouveau, une comparaison entre les deux régimes d’imposition (taxation forfaitaire à 12,8% ou imposition au barème) :
TmI | 0% | 11% | 30% | 41% | 45% |
Si PFU | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% |
Si Barème | 0,0% | 3,1%(1) | 8,5%(2) | 11,6%(3) | 12,7%(4) |
(1) 11% x 35% – 6,80% x 11% = 3,102%
(2) 30% x 35% – 6,80% x 30% = 8,460%
(3) 41% x 35% – 6,80% x 41% = 11,562%
(4) 45% x 35% – 6,80% x 45% = 12,690%
3. Comparaison en cas d’abattement renforcé de 85%
Reprenons notre comparaison entre les deux régimes d’imposition (taxation forfaitaire à 12,8% ou imposition au barème) :
TmI | 0% | 11% | 30% | 41% | 45% |
Si PFU | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% | 12,8% |
Si Barème | 0,0% | 1,5%(1) | 4,2%(2) | 5,7%(3) | 6,3%(4) |
(1) 11% x 15% – 6,80% x 11% x 15% = 1,538%
(2) 30% x 15% – 6,80% x 30% x 15% = 4,194%
(3) 41% x 15% – 6,80% x 41% x 15% = 5,732%
(4) 45% x 15% – 6,80% x 45% x 15% = 6,291%
II. Où en sommes-nous concrètement ?
A. En théorie
Au regard des calculs effectués précédemment, l’option pour le barème progressif est de rigueur dans bon nombre de situations.
L’option présente un intérêt :
- Pour les plus-values sur titres dès lors que les abattements de 65% et 85% trouvent à s’appliquer et quel que soit la tranche marginale d’imposition ;
- Pour les dividendes lorsque le contribuable est dans une tranche marginale d’imposition inférieure à 30%.
B. En pratique
Bercy a été interrogé sur le nombre de foyers ayant opté pour le barème progressif en lieu et place de la taxation forfaitaire, en 2018 :
- Sur 38,13 millions de déclarations déposées, près de 30,1 millions de foyers ont bénéficié de revenus de capitaux :
- Sur des 30,1 millions de foyers, seuls 870 000 ont opté pour le barème progressif.
Bercy estime que 8,1 millions de foyers – parmi les 30,1 millions imposés au PFU – auraient eu intérêt à opter pour leur taxation au barème, mais également un « manque-à-gagner » résultant de l’absence d’option pour le barème. Sur les 8,1 millions de foyers, la moitié aurait bénéficié d’un gain inférieur ou égal à 7 € et 80 % auraient obtenu un gain inférieur à 50 €.
III. L’option a posteriori ?
Bercy fait donc le constat de l’absence de clarté du dispositif aux yeux des contribuables. S’agissant d’un dispositif optionnel, les contribuables ne peuvent pas en principe revenir sur leur choix opéré lors du dépôt de la déclaration de revenus. Selon une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat a toujours refusé la possibilité de d’admettre une option a posteriori. Une option fiscale doit donc être prise en temps et en heure !
Cependant, « dans ce contexte et dans le cadre du droit à l’erreur, les contribuables qui n’ont pas opté pour l’imposition au barème au moment de leur déclaration de revenus, peuvent le faire en formulant une demande à leur service ou depuis leur espace sécurisé sur impots.gouv.fr.
Bien que l’option au moment de la déclaration soit en théorie irrévocable, il a en effet été décidé de donner une suite favorable à de telles demandes, sans pénalité. Des actions de communication sont engagées par la DGFiP afin de mieux accompagner les usagers dans le choix de l’imposition de leurs revenus de capitaux mobiliers et plus-values mobilières.
Ces actions ont pour objectif d’inciter les usagers qui y auraient intérêt à utiliser l’option d’imposition au barème si celle-ci leur est plus favorable.
Bercy a en outre annoncé que le contenu du site oups.gouv.fr sera enrichi afin d’intégrer cette thématique.
L’administration va mettre l’accent sur la possibilité d’opter pour le barème progressif
L’Administration fiscale a donc dérogé à la règle de l’irrévocabilité d’une option (ou non prise d’une option). Il convient de s’en réjouir.
En pratique, les conseils devront donc analyser les avis d’imposition et les options retenues par les clients. La tâche est grande, sachant que pour 810 000 foyers fiscaux l’impact fiscal serait de plus de 120 €.
Notons que les statistiques de Bercy ne traitent que des revenus de capitaux mobiliers. L’analyse serait probablement la même pour l’imposition des plus-values sur titres.